Note de politique

La gestion de la vulnérabilité dans la revue éthique des protocoles de recherche sur la Covid-19

Samba Cor Sarr1*, Zeyni El Abidine Sy1, Viviane Marie Solange Mbengue1, Ousmane Diouf1, Aminata Suzanne Diop1

* bathie65yahoo.fr

1 Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, Dakar, Sénégal

Published: September 8, 2022

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Note de politique_ la gestion de la vulnérabilité dans la revue éthique des protocoles de .

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Editor: Farah Nabil, University of Zaragoza, Spain

Copyright: © 2022 Cor Sarr et al. This is an open access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original author and source are credited.

Abstract

L’épidémie a provoqué plusieurs initiatives de recherche en sciences sociales et humaines, , épidémiologiques et sur les systèmes de santé amenant le à enregistrer 58 protocoles de recherche sur la Covid-19 avec 2 pics de soumissions notés respectivement en novembre 2020 (15 protocoles) et en janvier 2021 (13 protocoles). La gestion efficace de ce flux a nécessité la mise en place des dispositions particulières de gouvernance éthique de la recherche en période d’urgence. Deux défis étaient à relever par le comité face à la pression de la pandémie traiter avec diligence des dossiers soumis qui sont souvent des protocoles de recherche pragmatique veiller au respect des principes éthiques dans l’élaboration et la mise en œuvre des protocoles. Pour ce faire, des innovations étaient nécessaires, tant dans l’organisation des revues, que le de la mise en œuvre de la recherche en période de pandémie Covid-19. La note de politique ainsi rédigée vise à partager les acquis du quant à sa contribution à la protection des participants à la recherche dans le contexte de la pandémie Covid-19. La méthodologie utilisée est centrée sur la revue documentaire avec l’outil FAO et le guide des bonnes pratiques de la . Cela a permis de mettre en exergue les acquis suivants : La prise en compte de la vulnérabilité dans les procédures de recherche sur la covid-19 ; Examen systématique et réduction de la durée de traitement des protocoles Covid-19 ; Matérialisation du consentement par voie digitale ; et Vigilance éthique sur la vulnérabilité en période de Covid-19. En termes de bonnes pratiques on peut citer La digitalisation de la revue éthique et scientifique des protocoles La systématisation des commentaires écrits des reviewers et l’archivage électronique des procès-verbaux et de protocoles de recherche.

Mots clés : Covid-19, éthique, Sénégal, vulnérabilité, recherche

Introduction

La riposte contre la pandémie Covid19 se fait à travers la définition de stratégie, la mise en place d’intervention, la production de la connaissance et la régulation de la recherche. Le CNERS a ainsi pris des dispositions pour répondre avec efficacité aux sollicitations des chercheurs tout en restant conforme aux procédures. Dans cette dynamique, il a veillé à ne pas créer des goulots d’étranglement pour la bonne marche de la recherche mais tout en restant conforme au respect du principisme (respect de la personne, Bienfaisance/Non malfaisance et justice). Apres plus d’un an de gestion, des acquis sont enregistrés et il serait utile de les capitaliser afin de faciliter le partage. Ainsi, l’exploitation des procès-verbaux du comité d’éthique et des protocoles de recherche à

travers les outils d’analyse méthodologique et de bonnes pratiques a permis de mettre en exergue la contribution de cette instance dans la riposte contre la covid19 dans un format de note de politique partageable. Le présent document est ainsi composé d’un contexte, d’objectifs, de méthodologie, de résultats et de recommandations.

A la date du 30 avril 2022, le Sénégal a enregistré près de 86000 cas de covid-19 et de 2000 décès et avec 1 465 718 personnes vaccinées (MSAS, 2022). Pour faire face, un certain nombre de mesures restrictives, pratiques et spécifiques ont été prises, entre autres, la réorganisation du transport, le confinement régional, la proclamation de l’état d’urgence et du couvre-feu.

Dans la même dynamique l’épidémie a provoqué aussi plusieurs initiatives de recherche en sciences sociales et humaines, biocliniques, épidémiologiques et sur les systèmes de santé amenant à enregistrer 58 protocoles de recherche sur la Covid-19 avec 2 pics de soumissions notés respectivement en novembre 2020 (15 protocoles) et en janvier 2021 (13 protocoles) (CNERS, 2022).

Cette situation a amené le CNERS à mettre en place des dispositions particulières pour une gestion efficace dans la gouvernance éthique de la recherche, quelle que soit l’urgence. En effet, l’article 40 de la loi n◦2009-17 du 09 mars 2009 portant code d’éthique pour la recherche en santé, précise qu’il est « . . . créé un organe de régulation appelé Comité National d’Ethique pour la Recherche en Santé » (CNERS) avec comme mission de contribuer à la protection des personnes participant à des recherches.

Dans le fonctionnement normal, le CNERS examine, en moyenne, 7 protocoles par mois. Le dispositif permettait d’envoyer aux 15 membres actifs un lot de 7 dossiers en version dure 10 jours avant la session de délibération qui se faisait en présentiel. Cette manière de fonctionner avait un impact négatif dans le respect des délais, la qualité, la complétude et la promptitude des commentaires ; de même que l’assiduité et la ponctualité des membres lors des sessions de délibérations.

Pour y remédier, un système digital de soumission a été mis en place. Sa fonctionnalité effective a coïncidé avec la survenue de la pandémie de Covid-19 au Sénégal. La particularité de cette maladie exigeant la distanciation physique devenait ainsi une circonstance favorisante pour l’option d’organiser les délibérations sous format virtuel et la systématisation des soumissions électroniques.

La Covid-19 a créé au niveau de la régulation 2 exigences : traiter avec diligence des dossiers soumis qui sont souvent des protocoles de recherche pragmatique ; veiller au respect des principes éthiques dans l’élaboration et la mise en œuvre des protocoles.

Pour ce faire, des innovations étaient nécessaires, tant dans l’organisation des revues, que le control de la mise en œuvre de la recherche en période de pandémie Covid-19. Ces mécanismes à mettre en place devront surtout intégrer la gestion de la vulnérabilité dans la régulation de la recherche. La question qui sous- tend cette analyse est : Comment le CNERS a contribué à la protection des participants à la recherche dans le contexte de la pandémie Covid -19 ?

Ainsi, les objectifs visés sont :

• Analyser la prise en compte de la vulnérabilité dans les protocoles de recherche sur la Covid-19 ;

• Décrire la gestion de la protection des participants dits vulnérables à travers la revue éthique et scientifique ;

• Identifier les bonnes pratiques de régulation de la recherche en période de Covid-19.

Méthodologie

La revue documentaire est utilisée pour procéder à l’exploitation des protocoles de recherche et des procès-verbaux.

Pour le cas spécifique des protocoles, la méthode d’analyse mixte adaptée a été utilisée.

Une grille mettant en exergue la thématique, les cibles, la méthodologie, et le questionnement éthique a été utilisée pour l’exploitation des protocoles de recherche dans la perspective d’analyser le niveau de prise en charge de la vulnérabilité.

Pour les leçons apprises, l’outil de la Food and Agricultural Organization (FAO) sur les bonnes pratiques a été utilisé pour identifier les innovations pouvant faire l’objet de partage.

Résultats

R1 : La prise en compte de la vulnérabilité dans les procédures de recherche sur la covid-19

Sur l’ensemble des protocoles Covid-19 soumis au CNERS, 93% (54) ont porté sur des études enrôlant des populations à profils variés. L’analyse approfondie de ces cibles laisse apparaitre des groupes développant des vulnérabilités liées à leur exposition à la Covid-19, la présence de comorbidités (VIH, MNT) ou à un niveau socio- économique qui ne favorise pas l’accès aux produits de santé. Sur les 54 protocoles, 8 ont mis en place des approches/procédures spécifiques qui tiennent compte de la vulnérabilité potentielle des cibles enrôlées.

R2 : La gestion de la protection des participants dits vulnérables à travers la revue éthique et scientifiques

• Examen systématique et réduction de la durée de traitement des protocoles Covid-19

La survenue de la pandémie a amené le CNERS à établir des procédures permettant de faire examiner tout protocole de recherche Covid-19 en moins de 5 jours. Ainsi, le délai de délivrance de l’avis éthique et scientifique ne dépassait pas 10 jours. Cette disposition a surtout fonctionné lors des deux premières vagues. Cela faisait que le CNERS pouvait se réunir 3 à 4 fois dans le mois pour évaluer lesdits protocoles avec le maintien de la qualité dans l’examen des dossiers. En effet, les protocoles Covid-19 soumis sont immédiatement envoyés aux membres qui ont au maximum 4 jours pourtransmettre leur rapport d’évaluation au Secrétariat Permanent qui en fait la synthèse pour la délibération en virtuel programme le 5e jour.

• Matérialisation du consentement par voie digitale

Avec l’application des mesures barrières, les enquêtes téléphoniques devenaient de plus en plus un moyen de collecte de données chez les chercheurs. La matérialisation des consentements libres et éclairés devenait problématique au regard des textes spécifiques du CNERS. Pour lever cette contrainte, des recherches ont permis au comité d’identifier des dispositions juridiques autorisant une matérialisation par un enregistrement, empreinte digitale et signature électronique. Cela renseigne sur la nécessité de la recherche permanente de solution face aux dilemmes éthiques.

• Vigilance éthique sur la vulnérabilité en période de Covid-19

Les membres ont été invités à mettre le focus sur la gestion de la vulnérabilité des cibles enrôlées dans la recherche. En effet, la Covid-19 exacerbe la vulnérabilité et emmène à renforcer la vigilance quant à l’adaptabilité des méthodologies pour une prise en compte de la protection des participants enrôlés. Pour ce faire, des membres sont spécifiquement désignés pour veiller à l’application des recommandations valides en parfaite intelligence avec le responsable de la recherche. Ces membres désignés sont appelés à faire des rapports sur les protocoles suivis lors des sessions de délibération.

Toutefois, il convient de signaler que la plupart des protocoles Covid-19 n’avaient pas expressément pris des dispositions méthodologiques pour une gestion optimale de la vulnérabilité présente au niveau des cibles enrôlées. En effet, le prétexte de la pandémie et l’urgence de proposer des solutions préventives ou thérapeutique prenaient souvent le dessus sur le respect du principisme. Ainsi, la vigilance et la séré

nité d’un comité d’éthique reste de mise si l’on veut faire respecter la protection des personnes dans le cadre de la recherche en période d’épidémie.

R3 : Bonnes pratiques pour la régulation de la recherche

L’analyse des innovations du CNERS avec la grille de la FAO dans le cadre de la régulation de la recherche durant la pandémie Covid-19 a révélé les bonnes pratiques suivantes :

• La digitalisation de la revue éthique et scientifique des protocoles Covid-19 a permis de relever la qualité des analyses, l’assiduité, la ponctualité des membres et la réduction des délais de traitement des dossiers Covid-19 ;

• La systématisation des commentaires écrits des reviewers facilite la confection du procès-verbal, améliore sa qualité et le respect des délais de validation ;

• L’archivage électronique améliore la gestion de la base de données du CNERS et l’exploitation des dossiers.

Conclusion

La prise en compte des droits des participants dans la recherche en période d’épidémie requiert une gestion intelligente des dilemmes éthiques suivants :

• Le respect des principes éthiques et la mise en œuvre des règles de santé publique ;

• Le droit à l’autodétermination des personnes et la systématisation de la vaccination contre la Covid-19 ;

• Le choix des participants à un essai thérapeutique Covid-19 face à la pression de la maladie ;

• La culture de la recherche permanente de solutions éthiques face aux dilemmes soulevés par l’examen des protocoles de recherche ;

• Le détournement des ressources de prise en charge des autres pathologies au profit de la gestion de l’épidémie Covid-19.

L’accès aux produits de recherche dits efficaces en relation avec la politique économique du laboratoire sponsor de l’étude.

Financement

Cette note de politique est un produit du projet BCA-WA-ETHICS II, qui fait partie du programme EDCTP-2, soutenu par l'Union européenne sous le numéro de subvention CSA2020ERC-3079.

Références

• Annuaire statistique de la recherche pour la sante, DR/DPRS/MSAS, 2019 ;

• Annuaire statistique de la recherche pour la sante, DR/DPRS/MSAS, 2020 ;

• Annuaire statistique de la recherche pour la sante, DR/DPRS/MSAS, 2021 ;

• Comité National d’Ethique pour la Recherche en Santé (CNERS), 2020-2022, Compendium des Procès-verbaux ;

• Comité National d’Ethique pour la Recherche en Santé (CNERS), 2021 Manuel de Procédures ;

• Comité National d’Ethique pour la Recherche en Santé (CNERS), 2020-2021, Annuaires Statistiques ;

• Plan de contingence multisectorielle de lutte contre la Covid-19 Phase 1, MSAS, mars 2020 ;Plan de contingence multisectorielle de lutte contre la Covid-19 Phase 2, MSAS, sept. 2020 ;

• Organisation des nations Unis pour l’alimentation (FAO), Canevas pour les bonnes pratiques ;Quan Nha HONG et al, version 2018, Mixed Methods Appraisal Tool (MMAT) – Outil d’évaluation de la qualité ;

• Ministère de la Santé et de l’Action Sociale du Sénégal, 2020-2022, base de données Covid- 19 ;

• Sarr S.C, 2020, Cours d’Ethique et de Bioéthique.Université MCGILL/Canada, méthodologie des études qualitatives, quantitatives et mixtes.